Sonic Bloom
08.07.2024
Sonic Bloom, la parole du public
Loïc Maily, LaminaiRe tuRbulent
Hier, le vélo de Clément Gautheron était encore sur home trainer. Immobile. C’était En Roues Libres, performance muscu-sonore jouée parmi les pièces de l’ouverture du festival. Aujourd’hui, les vélos d‘ici l’onde sont toujours en roue libre, mais ce matin, en tribu, en cohorte et sur les berges du canal de Bourgogne. Entre Dijon et Saint-Jean-de-Losne. 30 km, quelques écluses et pas mal d’exclamations, de micro-paniques et des grands sourires qui traversent les onze petites gueules vélocipédiques. C’est pas encore la route de la Soie, déjà plus le chemin de l’entre-soi. Allures de colos. Zéro tutos, zéros bobos. Ça avance tout seul. Ça rigole, ça caresse les pédales, diraient les vieux cyclistes. Ça règle encore un peu, ça pause à l’ombre d’anciens silos à grains, ça joue avec la tôle, ça passe à l’abri des roseaux qui filent des airs de Tennessee à la voie verte. Ça relaie, ça fixe la circulation. Onze vélos, dont deux cargos, chéris comme des paquebots dans une armada. Douze cycles en parrains suprêmes, onze paires de guiboles pour escorter la cargaison sur remorques et sur les épaules. Jusqu’à Saint-Jean-de-Losne. Arrivée par le port et le petit bouillon des confluences. Canaux, Rivière et bras de rivière. Moment suspendu parmi les carcasses, les langues étrangères sorties des péniches arrimées, les friches carrément défraîchies. Deuxième couche de peinture en cours sur les coques. Clarté Divine, est en cale sèche.
Arrivée et premiers quartiers à la Villa Amanda, grande bâtisse à la vieillesse élégante, pleine de recoins, posée altière, près des remugles bruns de la Saône, en contrebas. Un peu plus tôt, en traversant la place de la République locale où trône, quasi-malouine, une colonne dédiée aux combats de l’automne 1636. Petite plaque attendue, marbre rose, gravure et dorure. Claude Martene courageux citoyen, y exhorte les siens à faire barrage de leurs vies contre l’armée impérialiste, quitte à mettre le feu à la ville, à mourir l’épée à la main « en cas que par malheur ils vinssent à être forcés » de le faire. Drôle d’écho aux remugles bruns, fêtés la veille ici, par quelques voix déterminantes.
Plus loin, deux dames âgées s’émeuvent des pieds gonflés d’une troisième, plus loin, un chien sautille sur ses trois seules pattes. Plus loin, on reprend le canal pour Saint-Symphorien-sur-Saône et l’écluse 75. LaminaiRe TuRbulent s’y joue ce soir (cf. podcast sur cette page).
Back to sixties et leurs créatures des lacs et des profondeurs. Les sons d’entame de LaminaiRe viennent du fond de la Saône amplifiées par un hydrophone, lancé comme un hameçon. Cry me a River version expé-vernaculaire : drones vaseux, boucles aquatiques, épaisseurs troubles. L’église Saint-Symphorien-sur-Saône sonne 19 heures. La surface du canal du Rhône au Rhin se trouble à peine d’un saut de carpe majeur qui ouvre la porte aux solos et duos, puis à la déambulation pour rejoindre la cote 74S. Quadrillage de l’espace sonore, traitement de surface et de volume, on marche, on écoute. Bien accompagnés jusqu’aux turbulences du moulin voisin. C’est touchant de constater comme la déambulation s’amuse et renoue avec ses origines de danse traversière, de parade de carnaval. Les quatre improvisateurices invitent à une procession insolente et populaire, élevée ici sans doute à une autre exigence, mais ne reniant rien de ses fondements. Jusqu’à se lover in fine dans la danse schizophrène et férocement humaine de L’Étrange cas du Docteur Jekyll et de M. Hyde, dont le dernier chapitre, posément enregistré, lâche les vraies turbulences. Soniques, improvisées et obsessives jouant avec les tympans d’une assemblée réunie en face de cette réalité distordue, granuleuse et temporaire. Depuis, les Sonic Bloomers ont repris la route.
© guillaume malvoisin pour ici l’onde
les images du
festival musique et vélo au bord de l’eau
proposé par ici l’onde
© Pierrick Finelle pour ici l’onde
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